Les banques suisses continuent de reculer dans la course mondiale à la numérisation
Les banques de détail suisses continuent de perdre du terrain dans le classement numérique mondial - de la 18e place en 2020, elles ont reculé à la 27e. Alors que les notifications en temps réel, les outils d'épargne basés sur l'IA et les assurances numériques sont depuis longtemps des standards internationaux, ces services font défaut dans de nombreuses banques suisses. Le nouveau comparatif mondial de la numérisation de Deloitte le montre : Celles qui ne rattrapent pas leur retard perdent des clients au profit de prestataires numériques plus agiles.

La dernière étude Digital Banking Maturity de Deloitte analyse, à l'aide d'une méthode d'achats mystères, plus de 1'000 fonctions bancaires numériques auprès de 349 banques dans 44 pays, dont 12 banques de détail suisses qui couvrent ensemble plus de 80% du marché. Le retard des banques suisses s'est encore accentué ces dernières années : 18e il y a quatre ans, 21e il y a deux ans, elles ne sont plus que 27e aujourd'hui.
Lors de la première étude en 2018, la Suisse se classait encore dans le top 5. Alors que d'autres marchés ont développé leurs offres numériques avec des stratégies mobile-first, des interactions clients basées sur l'IA et des services financiers intégrés innovants, les banques suisses n'ont cessé de reculer au fil des ans.
L'onboarding numérique est compliqué
Des progrès ont tout de même été réalisés en matière d'ouverture de compte numérique. Toutes les banques suisses étudiées, sauf une, proposent désormais une ouverture de compte numérique. Des temps d'attente de plusieurs heures ou jours ne sont toutefois pas rares en Suisse. Les banques numériques internationales permettent d'ouvrir un compte en quelques secondes grâce à des contrôles en temps réel assistés par l'IA, à l'instar d'Apple Pay ou de Google Pay. En Suisse, par contre, un appel vidéo ou même une visite en agence restent souvent nécessaires.
"Les banques suisses ont fait de petits progrès en matière d'ouverture de compte numérique, mais le processus reste comparativement compliqué et lent par rapport aux banques étrangères. Dans des pays comme le Royaume-Uni, un selfie et un scan de la carte d'identité suffisent pour une vérification par IA et l'ouverture d'un compte", explique Cyrill Kiefer, Banking Consulting Lead chez Deloitte Suisse.
Faible interaction avec le client
Le smartphone s'impose comme le principal canal d'accès aux opérations bancaires, surtout à l'étranger. Les notifications en temps réel des dépenses en sont un exemple. Pourtant, seul un tiers environ des banques suisses proposent cette fonction. La différence est encore plus marquée pour les fonctions d'épargne intelligentes. Seules quelques banques suisses utilisent des algorithmes basés sur l'IA pour adapter les plans d'épargne au comportement individuel en matière de dépenses. Cette automatisation fonctionne comme les recommandations musicales personnalisées des services de streaming basées sur le comportement d'utilisation.
De même, les applications bancaires mobiles suisses manquent souvent de fonctions de base qui favorisent les interactions et la fidélisation de la clientèle. Les tableaux de bord interactifs, les outils de budgétisation personnalisables ou les analyses financières en temps réel sont quasiment inexistants. Alors que les précurseurs numériques utilisent l'IA pour la catégorisation automatique et les conseils d'épargne, les clients des banques suisses doivent souvent gérer leurs dépenses manuellement ou se tourner vers des applications externes. "La vraie valeur de la banque numérique ne réside pas dans le nombre de fonctions emballées dans une appli, mais dans la manière dont elles répondent aux besoins des clients au bon moment", affirme Cyrill Kiefer avec conviction.
Services à valeur ajoutée ignorés
Les principales banques numériques proposent deux fois et demie plus souvent des services à valeur ajoutée tels que des tickets de transports publics, des abonnements de streaming et des outils de gestion financière. Les banques suisses n'exploitent pas ce potentiel. Le retard est particulièrement frappant en ce qui concerne les services d'assurance intégrés : Seule une banque suisse étudiée intègre de telles solutions de manière globale. Les banques suisses sont également à la traîne en ce qui concerne l'automatisation des tâches administratives : les décomptes d'impôts, la gestion de fortune in-app ou les paiements de factures en un clic sont depuis longtemps des standards sur de nombreux marchés mondiaux.
Alors que les précurseurs numériques mettent rapidement en œuvre des innovations, les réglementations et une stratégie conservatrice freinent les banques suisses. Il manque également la plupart du temps une stratégie mobile-first claire. De plus, les précurseurs numériques utilisent les apps comme interface centrale, alors que les apps suisses restent souvent de simples extensions de l'e-banking. Au lieu d'investir dans des interfaces intuitives et la personnalisation, de nombreuses banques se contentent de miser sur des fonctionnalités supplémentaires, avec pour conséquence des apps peu claires et peu conviviales.
Les banques attribuent un potentiel de croissance
Mais la fidélisation de la clientèle n'est pas la seule à être menacée. D'importantes nouvelles sources de revenus restent également inexploitées. Les pionniers du numérique augmentent leurs revenus par utilisateur grâce à des ventes croisées intelligentes ou à des produits financiers intégrés. Le manque d'assurances intégrées, de produits d'investissement et de services de style de vie explique en grande partie pourquoi les banques suisses se voient attribuer un potentiel de croissance par rapport aux champions numériques étrangers.
"Les banques doivent passer du statut de simples fournisseurs de services de paiement et de gestion de compte à celui de plateformes de services numériques. La gestion financière, les systèmes modernes de paiement direct, la gestion des abonnements, les systèmes de réservation ou les solutions de mobilité doivent être intégrés de manière transparente pour devenir des compagnons numériques du quotidien. Ceux qui ne participent pas à ce changement risquent de perdre toute une génération de clients", a déclaré Cyrill Kiefer.
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