Le prochain tournant : Sera-t-il celui de la montre connectée ?
Il y a 50 ans, la première montre-bracelet à quartz voyait le jour dans les laboratoires du CEH - ancêtre du CSEM (Centre Suisse d'Electronique et de Microtechnique). Le regard de Jens Krauss, directeur de l'activité systèmes au CSEM, sur les défis de l'horlogerie suisse face à la transition digitale.
Monsieur Krauss, vous faîtes une distinction entre " montres connectées " et " montres téléphoniques ". Pourquoi ?
L'Apple watch ou la Gear de Samsung sont un prolongement du smartphone, porté au poignet. En termes de miniaturisation, ce sont de véritables joyaux technologiques, mais par rapport aux smartphones, leur valeur ajoutée est limitée pour l'utilisateur ; l'interface utilisateur-machine est mal adaptée, l'autonomie insuffisante et le design perfectible. En contrepartie, les montres connectées demeurent en premier lieu des montres, en regard de leur look, de l'émotion véhiculée et de l'autonomie. On pourrait plutôt parler d'une " montre augmentée ". Comme la " phone watch ", cette dernière offre la connectivité, mais seulement pour des fonctionnalités bien spécifiques et invisibles. Quelques exemples : paiement à distance, suivi de l'état physique et/ou de la santé, contrôle d'accès et sécurité.
Avant d'acheter une montre, le consommateur étudie son cahier des charges. Quelles sont les qualités d'une montre quartz ?
Elles se résument en deux mots : précision et autonomie. Aujourd'hui, la précision d'une montre à quartz de qualité tend vers une augmentation de cinq secondes par an. La durée de vie minimale des piles est de deux ans, mais la moyenne est de cinq ans. Des efforts sont faits pour atteindre une autonomie de 10 ans. Les montres à quartz peuvent être complétées par des fonctions supplémentaires telles que des complications (calendrier perpétuel), la récupération d'énergie (par exemple par des cellules photovoltaïques) ou la télécommande par radio. Mais en fin de compte, comme pour les montres mécaniques, la principale caractéristique des montres à quartz est leur beauté, l'émotion que la technologie doit servir de manière invisible.
En attendant, les grandes entreprises de luxe misent sur des montres intelligentes. Quest-ce qui peut venir après la montre à quartz, sinon les smart technologies ?
La révolution numérique touche tous les domaines de l'activité industrielle - et sociale, tels que les soins de santé et l'énergie, et l'industrie horlogère n'y échappe pas. Avec les produits connectés, les modèles économiques changent et offrent en même temps de nouvelles opportunités grâce à la présence d'un véritable écosystème beaucoup plus étendu que le secteur horloger traditionnel. Marqué par une multitude d'intervenants d'horizons et de domaines très différents, cet écosystème offre de nouveaux marchés dans un large éventail de disciplines (santé, assurance, marketing, etc.). Comme je le dis depuis longtemps, les technologies intelligentes représentent une opportunité plutôt qu'une menace pour l'horlogerie suisse.
Quel est le rôle du CSEM dans les technologies intelligentes ?
Son rôle est central, car ses compétences de pointe en matière de microtechnologies sont au cœur de la révolution actuelle. Ils permettent d'offrir des solutions peu coûteuses, sans fil, portables et autonomes. Notre mission est de transférer ces connaissances, développées dans des plateformes technologiques, à l'industrie - à commencer par les PME suisses - afin de les aider à tirer profit des changements technologiques en cours.
Pouvez-vous nous dessiner la montre intelligente " Swiss made " du futur ?
L'industrie horlogère suisse doit bénéficier de sa capacité quasi-unique à concevoir des montres de grande qualité esthétique, au design original et élégant, combinant des matériaux nobles et des attributs visuels. La montre intelligente " Swiss made " va continuer de convaincre par ses capacités techniques en répondant à d'exigeants critères de haute qualité. Elle va intégrer les nouvelles opportunités offertes par la digitalisation (mesure et transmission de données) en restant une montre, plutôt qu'un ordinateur miniature porté au poignet ! Cette nouvelle activité sera exploitée dans le cadre de partenariats entre l'industrie horlogère suisse et des sociétés de gestion de données.