Les secteurs numérisés ne sont pas toujours plus résistants que les secteurs non numérisés
L'hypothèse selon laquelle la numérisation peut aider les entreprises et les secteurs à surmonter les crises est largement répandue. Mais dans quelle mesure les secteurs fortement numérisés se sont-ils montrés plus résistants lors de la crise Covid-19 ? Une équipe de l'Institut de recherche sur la durabilité (RIFS) de Potsdam s'est penchée sur cette question en se basant sur des paramètres socio-économiques avant et après la crise Corona. L'étude a donné des résultats surprenants.
La propagation mondiale du virus SRAS-CoV-2 en 2020 a entraîné une baisse de 3,5 % de la performance économique mondiale par rapport à l'année précédente. Dans le cadre de la résistance variable des secteurs, les chances de la numérisation pour l'économie, par exemple par le biais du travail à domicile et de l'automatisation, ont été de plus en plus discutées et des appels à une numérisation accrue ont été lancés. Selon l'équipe d'auteurs de la nouvelle étude du RIFS à Potsdam, cela soulève toutefois la question de savoir si le degré de numérisation peut réellement être mis en relation avec la performance économique des secteurs économiques pendant la crise. En effet, selon eux, il existe peu de preuves du lien entre les performances socio-économiques des secteurs et leur degré de numérisation. L'étude se réfère certes à la situation en Allemagne, mais elle permet tout à fait de tirer des conclusions pour l'économie suisse, qui a dû faire face à des conditions similaires pendant la pandémie.
Le soutien de l'État pourrait avoir augmenté la résilience
Les chercheurs ont analysé la capacité de résistance (résilience) à l'aide de la performance du marché boursier, de la valeur ajoutée brute (VAB) et des données sur l'emploi, et l'ont comparée au degré de numérisation des secteurs économiques en Allemagne en 2020, année de la pandémie. Leur question : quelles différences peut-on observer dans la capacité de résistance socio-économique entre les secteurs économiques plus ou moins numérisés en Allemagne lors de la crise Covid-19 ?
Les résultats de l'étude ne peuvent pas confirmer que les secteurs fortement numérisés ont systématiquement été plus résilients que les secteurs moins numérisés lors de la crise Covid-19, selon l'équipe RIFS. Les secteurs à forte et moyenne intensité numérique ont certes affiché une meilleure performance sur le marché des actions que ceux à faible et moyenne intensité numérique. Toutefois, la fluctuation et l'incertitude élevées sur le marché des actions sont préjudiciables à la résistance de l'économie. En revanche, les secteurs à faible intensité numérique ont obtenu de meilleurs résultats en termes de valeur ajoutée brute et d'emploi que ceux à intensité numérique élevée et moyenne, à l'exception du secteur de l'information et de la communication. En particulier, les données ont montré que les secteurs à faible et moyenne intensité numérique - tels que l'administration publique, l'éducation, la défense, la santé, l'action sociale et la construction - étaient les seuls, à l'exception du secteur de l'information et de la communication, à avoir vu l'emploi augmenter pendant la pandémie.
"Ces observations ont finalement conduit à la thèse selon laquelle la numérisation n'est peut-être pas la panacée pour atteindre la résilience sociale et économique de l'économie en temps de crise", explique Stefanie Kunkel, première auteure de l'étude. Une corrélation positive entre la numérisation et les valeurs boursières est pertinente pour les investisseurs. Cependant, les secteurs publics "proches des gens", tels que la santé et l'éducation, semblent contribuer de manière plus stable à la création de valeur et à l'emploi en temps de crise, avec des niveaux de numérisation plus faibles. Les auteurs autour de Kunkel ont toutefois fait remarquer dans l'étude qu'il ne s'agissait pas d'une analyse des relations de cause à effet. L'une de leurs conclusions : Certaines études vont plus loin et concluent que le soutien de l'État est peut-être la principale raison de la résilience en temps de crise.
Recommandations pour l'économie
Une politique qui se concentre uniquement sur la promotion de la numérisation pour atténuer les crises futures pourrait s'avérer mal inspirée. Non seulement la numérisation entraîne une modification des profils professionnels, favorisant potentiellement une main-d'œuvre plus qualifiée et entraînant une plus grande inégalité salariale, mais elle comporte également des risques environnementaux tels qu'une consommation accrue d'énergie et de ressources. Au lieu de cela, les politiques de résilience et les programmes de soutien financier en temps de crise devraient se concentrer sur le renforcement de la résilience sociale et environnementale en ciblant les secteurs qui favorisent la stabilité et soutiennent une transformation socio-environnementale plus large, conformément aux objectifs internationaux de durabilité, tels que les objectifs de développement durable des Nations unies.
Recommandations pour les entreprises
En ce qui concerne les entreprises, l'équipe recommande aux dirigeants de créer des environnements de travail dans lesquels les tâches à distance et sur place sont équitablement réparties entre les employés, afin d'éviter que le fossé numérique ne se creuse entre les effectifs en temps de crise. En ce qui concerne les objectifs environnementaux, les technologies numériques devraient être utilisées pour mesurer les paramètres environnementaux, réduire la consommation d'énergie et de matériaux tout au long de la chaîne d'approvisionnement et identifier des modèles d'entreprise plus écologiques, par exemple dans le cadre de l'économie circulaire. De cette manière, les travailleurs pourraient bénéficier plus équitablement de la numérisation lors des futures crises, améliorer leurs compétences numériques et concilier les objectifs sociaux, économiques et environnementaux.
Cette analyse permettrait de poser dès aujourd'hui la question des crises futures : Quels sont les facteurs qui permettent à la numérisation des secteurs de soutenir la réalisation d'objectifs tels que le bien-être et la protection de l'environnement ? C'est maintenant et à l'avenir qu'il faudrait finalement amorcer un changement vers des normes écologiques plus élevées, car la crise passée n'y a pas conduit à elle seule.
Source : RIFS