Géopolitique : les entreprises suisses sont mises au défi
Crises politiques ou militaires, différends commerciaux, conflits sur les matières premières ou changement climatique : les évolutions géopolitiques sont centrales pour les activités de la plupart des entreprises suisses. Pourtant, rares sont les conseils d'administration qui prennent des mesures globales pour appréhender les risques et élaborer des scénarios.
Des changements dramatiques apparaissent en géopolitique : La guerre en Ukraine a des conséquences globales, la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis s'intensifie et le rôle de la Suisse en Europe reste encore à définir. Les mesures Corona restrictives dans certaines régions d'Asie et l'inflation élevée dans le monde entier ont également attiré l'attention sur les risques géopolitiques. Tout cela préoccupe également les conseils d'administration suisses. Pourtant, seuls quelques-uns d'entre eux prennent des mesures concrètes, comme le constate le dernier swissVR Monitor, réalisé par l'association des conseils d'administration swissVR, la société de conseil Deloitte et la Haute école de Lucerne.
Les organes du CA s'attendent à des risques géopolitiques élevés
La géopolitique est fondamentalement pertinente pour l'économie suisse orientée vers l'exportation. En effet, de nombreuses entreprises dépendent de l'évolution des marchés internationaux. Les incertitudes actuelles ont tendance à renforcer cette grande importance : 59% des membres de CA interrogés estiment que les risques géopolitiques pour leur propre entreprise seront élevés, voire très élevés, au cours des douze prochains mois (voir graphique). Parallèlement, les perspectives économiques s'assombrissent : environ un tiers des 420 personnes interrogées s'attend à une évolution négative de la conjoncture pour l'année à venir.
Géopolitique : Pas de réactions excessives dans les conseils d'administration
La grande majorité (93%) indique que son conseil d'administration prend en principe des mesures en rapport avec les risques géopolitiques. Deux bons tiers des conseils d'administration (69%) discutent régulièrement des évolutions géopolitiques et plus d'un tiers procède à des analyses de scénarios (39%) ou à des adaptations de stratégie (35%). Le fait que seules deux mesures soient prises en moyenne par conseil d'administration montre que de nombreux conseils d'administration sont certes vigilants et gardent un œil sur les risques géopolitiques, mais ne réagissent pas de manière excessive face à l'évolution incertaine ou laissent la planification des mesures à la direction. "Nous vivons un changement d'époque, non seulement en politique, mais aussi dans les entreprises. Les réalités géopolitiques modifiées exigent un changement de mentalité dans les étages de direction de nombreuses entreprises suisses. La politique doit impérativement être prise en compte dans les décisions stratégiques en tant que nouvelle dimension centrale", déclare Reto Savoia, CEO de Deloitte Suisse.
L'évolution de la géopolitique : un défi et une opportunité
Presque toutes les entreprises (98%) sont confrontées à des défis face aux développements géopolitiques actuels : Les plus souvent cités sont la disponibilité et le coût des matières premières et de l'énergie (50%) ainsi que l'interruption des chaînes d'approvisionnement (48%). En revanche, les trois quarts des membres du CA interrogés (77%) voient également des opportunités dans les évolutions géopolitiques. Il s'agit principalement d'innovations en matière de produits et de services (34%) ainsi que d'une plus grande efficacité des coûts et des processus (30%).
Les défis croissants sur les marchés mondiaux exigent un engagement plus important en ce qui concerne les risques géopolitiques. Christoph Lengwiler, enseignant à la Haute école de Lucerne, rappelle toutefois qu'il ne faut pas tomber dans l'activisme : "En situation de crise, il y a un risque que le conseil d'administration soit pris d'une frénésie opérationnelle. Le pilotage stratégique devrait toutefois toujours être prioritaire. Le CA doit penser en termes de scénarios, évaluer les options d'action et donner des impulsions. Les mesures concrètes doivent ensuite être introduites par la direction".
La moitié des entreprises directement touchées par la guerre en Ukraine
Malgré des échanges réguliers sur les développements géopolitiques, sept membres de conseil d'administration sur dix (71%) ont été surpris par l'éclatement de la guerre en Ukraine et ses vastes conséquences économiques. Seul un cinquième des membres de CA interrogés (19%) indique que les risques géopolitiques en Europe de l'Est et en rapport avec la Russie ont été abordés lors de l'évaluation des risques au sein de leur propre conseil d'administration au cours des dernières années. Selon l'enquête, environ la moitié des entreprises (48%) sont directement concernées par l'attaque de la Russie contre l'Ukraine de cette année.
La guerre en Ukraine a contraint de nombreuses entreprises à prendre position. Cela devrait être de plus en plus nécessaire à l'avenir : "Les entreprises seront à l'avenir de plus en plus confrontées à la nécessité de se positionner. Pour pouvoir prendre une décision pour ou contre un marché, des analyses approfondies et des décisions stratégiques par le conseil d'administration sont nécessaires", est convaincue Cornelia Ritz Bossicard, présidente de swissVR.
Sources : swissVR / Deloitte SA / Université de Lucerne