Pas de répit pour les pharmacies

Après deux années marquées par les hauts et les bas de la pandémie Covid-19, les pharmaciens sont désormais confrontés à des pénuries de médicaments qui s'aggravent. Celles-ci concernent actuellement aussi des médicaments standard bon marché. Un bilan et des perspectives.

Si l'on se rendait à chaque fois dans une des pharmacies les plus proches pour un premier triage avec un cas bénin, on pourrait fortement désengorger de nombreux services d'urgence. (Image : pharmaSuisse)

2022 a été une année de transition vers une certaine normalité après deux années marquées par le coronavirus. Les pharmaciens et leurs équipes ont fourni un énorme travail pour répondre aux besoins de la population avec professionnalisme et compétence. Comme dans d'autres secteurs de la santé, le volume de travail dans les pharmacies augmente et la fatigue ainsi que le manque de personnel qualifié se font sentir au sein des équipes.

Après la pandémie - le temps de la pénurie

Depuis plusieurs mois, les équipes officinales sont confrontées à des difficultés dues à des ruptures d'approvisionnement en médicaments. Cette semaine, selon www.drugshortage.ch 781 médicaments (au total près de 1000 emballages différents !) ne sont pas disponibles en Suisse. Cela concerne plus de 361 substances actives. Dans les pharmacies d'hôpital et d'officine, les ruptures d'approvisionnement posent d'énormes problèmes de logistique et de sécurité et mobilisent des ressources humaines considérables. Estimées entre ½ et 1 journée par semaine pour une pharmacie publique, elles ne sont pas prises en charge. Grâce à l'expertise des pharmaciens, des problèmes majeurs peuvent heureusement être évités lorsque le traitement doit être modifié. Dans certains cas, ils peuvent même fabriquer eux-mêmes des médicaments pour pallier les ruptures de stock.

Cette situation, sur laquelle pharmaSuisse, l'organisation faîtière des pharmaciens, attire l'attention depuis plusieurs années, ne cesse de se dégrader. Les autorités ne se saisissent qu'avec réticence de cette problématique, écrit l'association. C'est pourquoi pharmaSuisse participera ce printemps au lancement de l'initiative populaire "Oui à la sécurité de l'approvisionnement médical" dans le cadre d'une large alliance de professionnels et de partenaires du secteur de la santé.

Les pharmaciens - des acteurs du système de santé dont le plein potentiel n'est pas exploité

Les pharmaciens et leurs équipes pourraient rendre des services encore plus précieux dans le système de santé. Cela suppose toutefois que les autorités les intègrent durablement dans le système et ne les appellent pas à l'aide uniquement en cas de crise sanitaire majeure. 

Dans son deuxième paquet de mesures visant à maîtriser les coûts dans l'AOS (assurance obligatoire des soins), le Conseil fédéral a reconnu le potentiel des pharmacies, raison pour laquelle il propose de modifier l'article 25 et d'ajouter un nouvel alinéa à l'article 26 de la LAMal. Cela permettra (enfin) de fournir des prestations prises en charge par l'assurance de base, par exemple dans le domaine de la prévention (par exemple les vaccinations) et des prestations pharmaceutiques, comme l'aide à l'observance du traitement ou l'analyse de médications compliquées. Les prestations mentionnées doivent être efficaces, appropriées et économiques (critères EAE) et il doit être prouvé qu'elles ont un effet de réduction des coûts. Les discussions sur ce deuxième paquet ont déjà commencé au sein de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national. 

En modifiant la loi sur les professions médicales (LPMéd) en 2015 et la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) en 2016, le législateur a contribué à consolider le rôle des pharmacies au sein des soins médicaux de base. "Néanmoins, la population n'est pas encore suffisamment consciente qu'elle peut également bénéficier de conseils médicaux dans les pharmacies. Les pharmaciens disposent des connaissances de base appropriées pour diagnostiquer et traiter les problèmes de santé et les maladies les plus fréquentes. Dans la situation actuelle où les services d'urgence sont surchargés, ils sont en mesure d'effectuer le triage des patients, de leur proposer une solution et de décharger ainsi les services d'urgence et les cabinets de médecins généralistes pour les cas simples. Cela ne fait aucun doute ! " estime Martine Ruggli, présidente de pharmaSuisse. 

La révision de la part de la distribution fait l'objet d'un large consensus

Dans un climat économique tendu où les coûts de la santé ne cessent d'augmenter, principalement pour des raisons sociétales, les médicaments sont régulièrement la cible numéro un. Dans ce contexte, ce sont surtout le prix et la diffusion des génériques ainsi que la part de distribution qui attirent l'attention. Fin 2022, sous l'égide du Département fédéral de l'intérieur (DFI) et de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), un consensus sur la révision de la part de distribution (art. 38 OPAS) a été trouvé entre les fournisseurs de prestations (FMH, APA Association des médecins avec pharmacie de patients, H+ Les Hôpitaux de Suisse, GSASA Société suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux, Société suisse des pharmaciens pharmaSuisse) et curafutura, malheureusement sans le soutien de santésuisse. Ce consensus permettra de corriger les incitations négatives et d'augmenter l'utilisation des génériques. Son potentiel d'économie immédiat est estimé à 60 millions de francs, puis potentiellement à 100 millions en augmentant la part des génériques. La balle est maintenant dans le camp du DFI.

Perspectives pour 2023

Les pharmaciens soutiennent les efforts du Conseil fédéral pour freiner l'augmentation des coûts de la santé, a déclaré pharmaSuisse dans sa prise de position adressée aux médias. Ces économies ne passeraient pas par une attaque sur les marges des médicaments bon marché, mais la voie à suivre consisterait clairement à développer les prestations des pharmacies pour les patients. Dans ce sens, pharmaSuisse espère que 2023 sera une année clé pour les pharmacies avec l'assouplissement du corset de la LAMal (art. 25 et 26 du deuxième paquet de mesures) et la révision de la part de distribution.

Dans le domaine de la numérisation du système de santé, il est prévu d'introduire en 2023, en collaboration avec la FMH, une solution nationale pour une ordonnance électronique conforme à la loi, sûre et utilisable dans toutes les pharmacies. La solution visée sera conviviale pour les patients, les médecins et les pharmaciens. Sur la feuille de route de l'organisation faîtière des pharmaciens figurent quelques projets visant à améliorer la connaissance et la perception des services des pharmacies par la population. Ceci dans le but de mieux répartir la charge actuelle du système de soins de base entre les prestataires de soins, de poursuivre la collaboration interprofessionnelle ainsi que de promouvoir les métiers de la pharmacie et d'assurer la relève, tout en offrant des prestations de qualité à la population.

Source : pharmaSuisse

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