Un avantage numérique est encore possible
La numérisation est un processus continu et de nombreuses PME n’en sont qu’au tout début. La « Situation des PME 2019 » de la HES Saint-Gall – encadrée par Helvetia Assuran-ces et BDO Suisse – conseille aux entreprises de faire le pre-mier pas et de se lancer. Dans ce contexte, l’étude montre les projets numériques concrets que mènent les entreprises, les opportunités et risques qu’elles rencontrent et les solutions qui ont été développées. Principale conclusion de l’étude: il est encore possible d’obtenir un avantage sur les concurrents grâce à la numérisation.
Cette année comme en 2017 déjà, l’étude « Situation des PME » est consacrée au thème de la « numérisation ». Il ne fait aucun doute que la numérisation est l’une des thématiques les plus importantes et les plus vastes auxquelles sont confrontées les entreprises aujourd’hui, affirment les auteurs, qui justifient ainsi sa remise à l’ordre du jour. La « Situation des PME » examine l’évolution et formule des approches concrètes pour relever les défis posés par la transformation numérique. Les auteurs décrivent la numérisation comme un processus à la fois inévitable et continu. Ou, comme l’a formulé Peter Kancsar, de Milani, qui a été interviewé pour l’étude: « À aucun moment, nous ne pouvons dire que nous avons réussi et que nous pouvons nous reposer. Nous évoluons en permanence et nous nous adaptons. »
Le Pr Dr Rigo Tietz, chef de projet de « Situation des PME » et di-recteur du centre de compétences Stratégie et management de l’Institut de gestion d’entreprise IFU-FHS de la Haute école spécialisée de Saint-Gall, explique que la numérisation entraîne des changements fondamentaux, par exemple dans la concurrence entre les entreprises, lorsque des concurrents développent des concepts commerciaux plus efficaces et innovants. Il ajoute : « La numérisation modifie fondamen-talement le comportement des individus et, en fin de compte, de la société dans son ensemble. »
Comprendre la numérisation et contribuer à son développement crédible
Il s’avère que c’est précisément la situation particulière des PME qui les oblige à réfléchir à des solutions nouvelles et créatives. Compte te-nu de leurs ressources souvent limitées, les PME sont souvent con-frontées à des limites et des opportunités différentes de celles des grandes entreprises. En examinant de près huit entreprises de huit secteurs, la « Situation des PME » identifie les « Best Practices » que ces entreprises ont développées en matière de numérisation. Ainsi, l’étude pose non seulement la question des défis et des approches de solutions propres, mais décrit également les enseignements que peu-vent tirer de cette approche d’autres entreprises du même secteur ou d’un autre secteur.
Dans le domaine de la numérisation, on constate, selon Rigo Tietz, que la numérisation est souvent éclipsée par des défis opération nels. Toutefois, c’est une question stratégique que la direction doit traiter en priorité en y consacrant suffisamment de temps. Selon les auteurs de l’étude, la direction des PME en particulier a également be-soin de personnes « avec des affinités pour le numérique » qui com-prennent la thématique de la numérisation et peuvent contribuer à son développement crédible. Capables de faire sérieusement l’expérience des aspects positifs du changement inexorable qui s’opère, elles parviennent ainsi à atténuer les craintes des collabora-teurs. Ivo Steiner, directeur général de Landi Zola AG, confirme ce constat : « Si tu ne soutiens pas le processus en tant que directeur géné-ral, si tu n’y adhères pas et que tu ne t’y identifies pas, alors cela ne fonctionnera certainement pas. »
Se rapprocher du client et coopérer plus étroitement grâce au numérique
« La numérisation continue de jouer un rôle essentiel. Aujourd’hui, c’est tout spécialement le contact client qui doit être ciblé et efficace, tout en restant personnalisé. L’utilisation des nouvelles technologies peut permettre d’optimiser les processus en interaction avec les clients et donc d’apporter une valeur ajoutée tant au client qu’à l’entreprise elle-même », explique Stefan Gerber, partenaire, respon-sable Conseil Zurich-Suisse orientale chez BDO. Ce sont surtout les jeunes entreprises et les start-ups qui réussissent à construire leur modèle commercial et leur mode de fonctionnement ciblés sur les nouvelles technologies, telles que la robotique, l’Internet des objets, les blockchain ou l’intelligence artificielle. Selon les auteurs de l’étude, certaines entreprises bien établies ont du mal à faire le lien entre ces nouvelles technologies et l’activité existante, ou à proposer des possi-bilités complètement nouvelles. L’automatisation se retrouve égale-ment dans les secteurs traditionnels comme l’agriculture: dans la Hof Hinterburg, des robots sont utilisés, et Roman Moser et Adrian Hag-genmacher confirment qu’on libère du temps en confiant des tâches à des robots – c’est un espoir souvent exprimé ou un avantage souvent mentionné de la numérisation.
Les entrepreneurs interrogés décrivent les gains d’efficacité comme atouts supplémentaires de la numérisation. Selon Rigo Tietz, l’amélioration de l’efficacité peut couvrir des aspects très variés. « Il s’agit souvent de numériser l’interface client, par exemple pour accélé-rer le processus de commande ou vendre des produits standards. » Il peut même s’agir de produits de niche, comme dans le cas d’Ergoswiss. L’entreprise produit des systèmes de levage pour des postes de travail industriels réglables en hauteur. Elle les commercialise directement et en ligne auprès des clients potentiels, qui peuvent acheter les produits directement chez Ergoswiss, sans intermédiaires et par le biais d’un processus de commande automatisé et donc plus efficace.
Même si les outils numériques modifient l’interaction avec le client, facilitent la coopération et intensifient ainsi la relation client, de nombreux entrepreneurs interrogés mentionnent souvent le fait que la communication personnelle gagne en importance dans le cadre de la numérisation, que ce soit sur le chantier, chez Schlagenhauf ou dans le magasin agricole. Stefan Gerber, de BDO, le confirme lui aussi et considère que le conseil personnalisé reste un élément important de la relation client.
Chaque pas vers un nouveau territoire numérique est un risque
« La numérisation ouvre, certes, de nouvelles perspectives, mais com-porte aussi certains risques. Les entrepreneurs qui se préoccupent ac-tivement des cyber-risques, de la protection des données et de la créa-tion de valeur en réseau peuvent mieux exploiter les opportunités qui se présentent et ne sont pas surpris », explique Adrian Kollegger, res-ponsable Non-Vie Suisse et membre de la direction d’Helvetia. Concrètement, les entreprises interrogées évoquent le plus souvent
«Nous évoluons en permanence et nous nous adaptons.» Peter Kancsar, Milani
les risques liés à la sécurité des données, aux besoins d’investissement et aux compétences. En ce qui concerne les risques individuels, Rigo Tietz précise : « Pour les investissements, il ne s’agit pas seulement de leur niveau, qui peut représenter un défi pour les PME disposant de ressources financières limitées. » Il existe plutôt un grand nombre de possibilités numériques. Marco Zeller, de Bever Lodge, en Engadine, formule les dangers qui en résultent, citant comme risques liés à la nu-mérisation la dépense de temps et d’argent ainsi que la dispersion des ressources.
Till Hornung, CEO de la Kliniken Valens, confirme qu’il n’est pas nécessaire de suivre toutes les tendances. Comme critère de sélection, les auteurs de l’étude expriment une recommandation : l’utilisation d’une nouvelle technologie numérique doit apporter une valeur ajou-tée évidente. « Soit le bénéfice pour le client est nettement augmenté, soit les coûts sont sensiblement réduits », explique Rigo Tietz, en ci-tant deux avantages. Les compétences et aptitudes soudainement re-quises peuvent susciter chez le personnel des doutes ou des craintes quant à la perte de son propre emploi, une crainte explicitement men-tionnée par Andreas Heuscher et Martin Keller d’Ergoswiss.
Dès 2017, les auteurs de l’étude ont constaté que, bien que tous les types, tailles et secteurs d’entreprises soient concernés par la nu-mérisation, ils ne l’étaient pas au même moment et dans la même me-sure. Aujourd’hui, on peut dire que certaines entreprises sont déjà plus avancées dans le processus de numérisation, d’autres en sont en-core au début. En particulier, de nombreuses PME sont encore au dé-but de la transition vers le numérique. « C’est ne rien faire qui est pré-occupant », déclare Rigo Tietz, point de vue que confirme Rolf Schla-genhauf, directeur général de Rolf Schlagenhauf AG, une entreprise du second œuvre, en formulant une invitation claire :
«Il suffit de faire le premier pas et ne pas avoir peur.» Sinon, affir-me Rigo Tietz, on risque de laisser passer une opportunité et il est es-sentiel de faire dès à présent les premières expériences. Il ajoute : «La numérisation est également un voyage en terre inconnue. Mais la plupart des entreprises sont aujourd’hui confrontées à cette aventure et un engagement précoce peut conduire à un avantage concurren-tiel.»