Faire « maturer » les idées

Les deux termes « innovation » et « processus » semblent difficilement aller ensemble. Quand on parle de processus, on parle de structure, rigide, séquence, etc. Et quand on parle d’innovation, on parle de créativité, idées, divergence, etc. Alors, comment faire de l’innovation avec un processus ? C’est là que tout devient intéressant.

Faire « maturer » les idées

 

 

« Pendant longtemps, on pensait que les idées naissaient spontanément, chaotiquement, etc. Avec l’observation et avec beaucoup de recher-che nous avons découvert au fil du temps qu’il était possible de générer et gérer l’innovation de façon ‹ systématique › (avec des méthodes). » Ainsi parle Sedat Adiyaman, auteur du livre « Faire » (lelivrefaire.com).

 

On parle souvent des « processus d’innovation ». Comment est-ce qu’un tel pro-cessus commence ? Quels points doivent être accomplis pour bien commencer un processus d’innovation ?
Sedat Adiyaman : Le processus d’innovation peut commencer selon deux types de situati-on : 1) Il y a un problème qu’il faut résoudre, chercher des solutions créatives et innovantes. 2) Il y a une vision – mais pas de problème ! Alors, on veut tendre vers un idéal et on cher-che des solutions créatives et innovantes. Nous agissons la majorité du temps sur les projets de nos clients. Quand on parle de projet, on parle de contexte, équipe, objectif, etc. C’est-à-dire la définition du briefing du projet est le point de démarrage. Évidemment, cela ne signifie pas qu’il peut y avoir un travail sur les « conditions » favorables à l’innovation, cela veut dire : culture, positionnement, participation, formation, etc.

 

Il y a des methodologies différentes pour géné-rer des idées. Lesquelles sont les plus favorab-les et sous quelles prémisses ?
Il existe des centaines de méthodes d’idéation : brainstorming, six chapeaux de bono, design thinking, triz, mindmaping, scamper, etc. J’en utilise la plus grande partie et j’en invente même parfois ! Ce que j’explique aux participants de mes formations (think2make.ch/cps), c’est qu’il ne sert pas à grand chose de copier-coller une méthode sans comprendre l’élément sous-ja-cent à ces méthodes. L’ensemble de ces métho-des suivent un déroulement très similaire qui ressemble à cela : 1) définir le défi; 2) phase de divergence (génération d’idées); 3) phase d›émergence (association d’idées ou conception d›idées; 4) phase de convergence (évaluation et décision des idées). La grande difficulté n’est pas de générer des idées (et ce n’est pas non plus le plus important), mais réussir à faire « maturer » les idées, soit transformer le fameux « post-it » en quelque chose de plus « palpable » (par exemple un visuel ou un objet physique) qu’on appelle également MVP (Minimum Viable Product).

 

Qui doit piloter un processus d’innovation ?
Au début des activités de la manufacture think-2make que j’ai créée en 2013, nous faisions uni-quement des brainstorming – souvent assez inutile, je l’avoue … Dans ces sessions, nous ras-semblions des ingénieurs avec des ingénieurs, et cela donnait des idées … d’ingénieurs ! Ensui-te, nous avons commencé à inviter des experts externes et des « créatifs » que nous appelons des « lateral thinkers » (renverseur), c’était plus intéressant. La grande difficulté consistait à créer les conditions propices, chose cruciale quand on amène un public varié. C’est là que le « facilitateur » prend un rôle particulièrement intéressant. Le facilitateur n’est pas unique-ment un animateur, ni un consultant expert du domaine du client. C’est les deux. Il doit tant comprendre le défi que gérer le processus. C’est le responsable du processus et non du projet, ce dernier incombe au décideur (directeur PME, directeur R&D, directeur marketing, etc.).

 

Quels sont des obstacles les plus sévères qui peuvent déranger le processus ? Et comment les éviter ?
Oh, des obstacles ?! Je ne sais pas si nous pou-vons parler d’obstacle, je dirais plutôt une école d’apprentissage accélérée … Dans mon expé­ rience, il y en a plusieurs. Voici un aperçu :

 

  • rentrer rapidement dans un atelier de créati-vité sans définir clairement le cahier des charges, le problème de base (l’outil « cinq pourquoi » peut aider ici).
  • faire un atelier de créativité sans définir les profils à impliquer et sans créer environne-ment propice à la créativité.
  • évaluer une idée en considérant que l’aspect rationnel (moyenne) reste sans l’aspect émo-tionnel (écart-type ou polarisation) par les parties prenantes du sujet.

 

Et finalement : Comment on mesure la qualité d’une idée – avant de faire une étude de marché ?
Cela rejoint le point expliqué plus haut : la qua-lité d’une idée dépend de l’aspect rationnel et émotionnel. Une bonne façon de procéder est de définir trois critères, par exemple : Est-ce que l’idée est faisable ? Est-ce que l’idée est dé-sirable ? Et est-ce que l’idée est durable ? Une façon simple de procéder est la suivante : faire évaluer à l’ensemble des parties prenantes les idées selon ces trois critères. Le résultat sera la moyenne des idées par critères et l’écart à la moyenne. La moyenne est souvent le seul critère mais en prenant en considération l’écart, nous constatons un élément important :à quel point il y a une polarisation dans les points de vue des personnes. Et c’est souvent là que les bonnes innovations se cachent. Car innover ne signifie pas mettre tout le monde d’accord mais d’implémenter la solution la plus pertinente pour un impact positif sur le marché.

 

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